Ce que la Loi Travail modifie concernant la durée du travail

Ce que la Loi Travail modifie concernant la durée du travail

Après de nombreuses contestations, la loi travail a été publiée au journal officiel le 8 août 2016.

Les dispositions modifiant les règles relatives à la durée du travail sont celles qui ont le plus fait polémique.

En matière de durée du travail le principe est que les conventions ou accords collectifs peuvent déroger aux lois et règlement dans les domaines suivants :

  • l’aménagement et la répartition des horaires de travail sur la semaine,
  • les périodes de repos ;
  • les conditions de recours aux astreintes ;
  • les modalités de la récupération des heures de travail.

Les accords d’entreprise ou établissement peuvent encore déroger aux normes conventionnelles supérieures. Ainsi, lorsque la loi renvoi, pour certaines dispositions à un accord collectif ou, à défaut à un accord de branche, dans ce cas l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche. Il peut donc s’en écarter, même dans un sens défavorable pour le salarié, et ce, alors même que l’accord de branche aurait conféré à certaines de ses disposition un caractère impératif, et quelle que soit la date de conclusion de celui-ci.

Cette dérogation concerne les dispositions suivantes :

  • fixation de la journée de solidarité ;
  • fixation du contingent annuel d’heures supplémentaires et des modalités de la contrepartie obligatoire en repos ;
  • organisation de la répartition de la durée du travail sur tout ou partie de l’année ;
  • mise en place de conventions de forfait annuel en heure ou en jour
  • institution du compte épargne temps.

Avec la nouvelle loi travail, l’accord d’entreprise devra désormais être majoritaire (plus de 50 % des suffrages exprimés au cours des dernières élections professionnelles et le droit d’opposition disparaît). A compter du 1er janvier 2017, cet accord d’entreprise pourra déroger aux dispositions relatives à la durée du travail et aux congés payés.

La loi travail a élargi les domaines dans lesquels l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche.

Quelles sont les modifications apportées ?

  • Durées légales et durées maximales

La durée légale hebdomadaire de travail reste fixée à 35 heures mais les entreprises ont la possibilité, par accord d’entreprise ou, à défaut, par accord de branche, de fixer une semaine de référence de sept jours consécutifs,  différente de celle civile (article L. 3121-32 du Code du travail).

La loi travail ne revient pas sur la durée journalière maximale de travail fixée à 10 heures. Les possibilités de dérogation restent également identiques (article L. 3121-18) :

  • autorisation de l’inspecteur du travail ou en cas d’urgence, selon les conditions fixées par décret ;
  • accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par accord de branche, en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise, dans la limite de 12 heures.

Désormais, l’accord de branche n’a plus besoin d’être étendu, le dépassement doit être motivé, et l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche.

Aucune dérogation à la durée quotidienne de travail n’est cependant prévue.

La loi travail ne revient pas non plus sur la durée maximale hebdomadaire de travail (48 heures ou 44 heures sur une période de 12 semaines consécutives). Elle facilite cependant les possibilités d’y déroger par accord d’entreprise pour porter la durée à 46 heures par semaine sur une période de 12 semaines. Il fallait avant la loi, un accord de branche validé par décret. Désormais, la dérogation peut se faire par simple accord collectif ou, à défaut, accord de branche qui n’a plus besoin d’être validée.

En outre, ce dépassement devient possible sur autorisation de l’autorité administrative dans la limite de 46 heures après avis du Comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

La loi travail apporte également des modifications sur le temps de pause de 20 minutes toutes les six heures qui devient une règle d’ordre public. Un accord d’entreprise peut désormais accorder un temps de pause supérieur.

Les règles relatives au temps d’habillage et de déshabillage demeurent inchangées mais la nouveauté résulte dans la possibilité de prévoir, par accord d’entreprise, l’assimilation de ces temps à du temps de travail effectif (article L. 3121-7).

Le législateur a modifié la définition de l’astreinte afin de l’adapter aux nouveaux moyens de télécommunication. Il s’agit désormais d’une « période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise » (article L. 3121-9). Il n’est plus exigé que le salarié « demeure à son domicile ou à proximité ».

Les astreintes continuent d’être mise en place par accord collectif avec une primauté pour l’accord d’entreprise ou d’établissement par rapport à celui de branche qui devient supplétif et n’a plus à être étendu.

Désormais le délai de prévenance des salariés n’est plus de 15 jours mais « un délai raisonnable » qui sera précisé par l’accord collectif.

Le régime de mise en place des équivalences est modifié : un décret n’est plus nécessaire et elles peuvent être instituées par un accord de branche étendu. Toutefois, en l’absence d’accord, le régime peut toujours être institué par décret en Conseil d’Etat (article 3121-15).

  • Heures supplémentaires

La définition et le décompte des heures supplémentaires demeurent inchangées.

Elles restent soumises à un contingent annuel défini par accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par accord de branche qui n’a plus à être étendu. A défaut d’accord demeure fixé par décret.

La réelle nouveauté concerne la majoration des heures supplémentaires qui sont fixés en priorité par accord d’entreprise ou d’établissement et, à défaut, par accord de branche. L’accord d’entreprise ou d’établissement peut donc prévoir une majoration inférieure qui ne pourra, en tout état de cause, être inférieure à 10%. A défaut d’accord collectif le taux légal de 25% s’applique pour les huit premières heures, puis 50 % pour les suivantes (article L.3121-36).

Les règles relatives à la contrepartie en repos ne sont pas modifiées (repos facultatif en deçà du contingent et obligatoire au-delà) ; la durée, les caractéristiques et les conditions de prise de cette contrepartie sont fixées en priorité par accord d’entreprise ou d’établissement, à défaut, par accord de branche.

  • Aménagement du temps de travail

 Avant la loi Travail, la répartition de la durée du travail pouvait être organisée sur une durée supérieure à la semaine et au plus sur une durée égale à l’année, et ce, par accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par accord de branche.

La nouveauté avec la loi du 8 août 2016 est la possibilité de la répartition de la durée du travail sur une durée maximale de 3 ans mais uniquement si l’accord de branche l’autorise (article L. 3141-44 1°).

Si la période de référence est supérieure à un an, l’accord doit prévoir la limite hebdomadaire supérieure à 35 heures au-delà de laquelle les heures de travail accomplies au cours d’une même semaine, sont des heures supplémentaires rémunérées à la fin du mois en cause.

A défaut d’accord collectif, l’employeur peut continuer à aménager le temps de travail de manière unilatérale sur une période qui ne peut excéder 4 semaines (article L.3121-45) ou 9 semaines si l’entreprise compte moins de 50 salariés.

  • La sécurisation des forfait-jours

La Loi travail prévoit également un dispositif afin de sécuriser les conventions de forfait-jour.

Les conditions de recours au forfait en heures ou en jours demeurent identiques (accord d’entreprise et convention individuelle de forfait).

La nouveauté résulte dans la possibilité pour les entreprises de moins de 50 salariés d’établir par un document unilatéral, un « accord type » fixé par convention de branche étendu, après en avoir informé les délégués du personnel et les salariés par tous moyens.

La loi Travail codifie les exigences posées par la Cour de Cassation depuis l’arrêt du
29 juin 2011 (Cass. Soc. 29 juin 2011 n° 09-71.107) relatives au suivi de la charge de travail des salariés ainsi que leur amplitude de travail durant la journée.

Les accords collectifs mettant en place des forfaits annuels en heures ou en jours doivent également fixer (article L. 3121-64) :

- la période de référence du forfait : l’année civile ou toute autre période de 12 mois consécutifs ;

- les conditions de prise en compte, pour la rémunération, des absences, arrivées et départs en cours de période.

Pour les forfaits en jours, de nouvelles clauses doivent figurer dans les accords collectifs (article L. 3121-64) :

- les modalités d’exercice du droit à la déconnexion ;

- les modalités d’évaluation et de suivi régulier, par l’employeur, de la charge de travail du salarié ;

- les modalités selon lesquelles, l’employeur et le salarié communique périodiquement sur la charge de travail, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle, sur la rémunération et sur l’organisation du travail dans l’entreprise ;

En outre, l’accord collectif peut également fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l’année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos dans la limite du respect des dispositions relatives au repos quotidien et hebdomadaire, aux jours fériés et chômés ainsi qu’aux congés payés. A défaut de précision dans l’accord, le nombre maximal de jours travaillés dans l’année en cas de renonciation, par le salarié, à des jours de repos, reste fixé à 235 jours (article 3121-66).

Toutefois, si l’accord collectif ne remplit les premières conditions relatives aux modalités d’évaluation, de suivi de la charge de travail, et de communication, l’employeur peut toutefois conclure une convention individuelle de forfait-jours sous réserve (article L.3121-65) :

- d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, qui peut être rempli par le salarié mais sous la responsabilité de l’employeur ;

- de s’assurer que la charge de travail est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

- d’organiser un entretien annuel avec le salarié pour évoquer sa charge de travail (qui doit être raisonnable), l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, ainsi que sa rémunération.

 

Suite au prochain article

 

Clélia PIATON, Avocat en droit du travail au barreau de Chambéry


Conséquences disciplinaires des absences injustifiées ou retards répétés

Conséquences disciplinaires des absences injustifiées ou retards répétés

 

Les absences injustifiées ou retards répétés peuvent-ils être sanctionnés disciplinairement par l’employeur ?

S’il ne fait pas de difficulté que les absences injustifiées et/ou retard répétés caractérisent un fait fautif de la part du salarié, la nature de la sanction à prononcer diffère nécessairement en fonction de la gravité des faits et de leur caractère récurrent.

Nous rappellerons, à titre liminaire, que l’employeur peut, au titre de son pouvoir disciplinaire, prononcer des sanctions disciplinaires allant de l’avertissement au licenciement, étant précisé que le simple rappel à l’ordre ne saurait constituer une sanction disciplinaire.

  1. Les absences injustifiées et/ou retards répétés ne pouvant donner lieu à un licenciement

Les retards peuvent justifier une sanction disciplinaire mais, s’ils sont peu fréquents et de faible importance, ils ne pourront justifier un licenciement (Cass. soc. 22 nov. 2000 n° 98-45.061).

C’est le cas par exemple, de retards minimes de quelques minutes et notamment lorsque l’horaire de travail n’est pas particulièrement bien respecté dans l’entreprise. Dans ce cas, l’employeur ne pourra se prévaloir d’un préjudice causé par ces retards et le licenciement prononcé pour ce motif serait dénué de cause réelle et sérieuse.

De la même manière, si l’employeur a toléré pendant une longue période les retards minimes du salarié sans lui adresser le moindre rappel à l’ordre, il ne pourra le licencier brusquement pour ce motif.

S’agissant des absences injustifiées, elles ne légitiment pas nécessairement un licenciement.

En effet, lorsque le salarié s’absente, sans autorisation de son employeur, mais pour des raisons impérieuses qui n’étaient pas prévisibles, comme un accident, un incident familial ou encore pour se rendre chez son médecin, son absence ne saurait constituer une faute.

Mais attention, il faut  cependant que la durée de l’absence soit en rapport avec celle de l’événement, et que le salarié prévienne son employeur (Cass. soc. 26 mai 1982 n° 80-40.895 ; Cass. soc. 3 juill. 2001 n° 99-41.738).

Au contraire, si l’absence du salarié était prévisible ou n’était pas justifiée par une cause légitime, l’employeur sera en droit de licencier le salarié (Cass. soc. 27 mai 1998 n° 95-44.208).

  1. Les absences injustifiées et/ ou retards répétés pouvant justifier un licenciement

Lorsque les absences/retards vont revêtir un caractère important et récurrent, et qu’ils ne seront pas justifiés par des motifs légitimes, ils pourront être sanctionnés par un licenciement qui, dans certains cas, pourra même être un licenciement pour faute grave.

Il sera rappelé, à cet égard, que la jurisprudence considère de manière constante que la faute grave est celle d’une gravité telle, qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le préavis.

- Les absences injustifiées

Le salarié doit, en principe, obtenir l’autorisation de son employeur pour s’absenter (sauf motif légitime évoqué précédemment). Si ce dernier refuse, dans ce cas l’absence du salarié revêt un caractère fautif et peut justifier un licenciement.

La Cour de Cassation a eu l’occasion de juger qu’elle pouvait constituer un refus volontaire de travailler et justifier un licenciement pour faute grave (Cass. soc. 3 juin 1998
n° 96-41.700 ; Cass. soc. 18 fév. 1998 n° 95-41.744
).

Par ailleurs, la jurisprudence va être très attentive sur le point de savoir si les faits sont réitérés, et si le salarié a déjà été sanctionné disciplinairement pour les mêmes actes (par un avertissement ou une mise à pied disciplinaire par exemple). Si tel est le cas, le comportement du salarié pourra constituer une faute grave (Cass. Soc. 23 fév. 2005
n° 02-47.147
).

La Cour de cassation a par exemple considéré que le fait pour un salarié d’avoir modifié ses jours de travail sans en informer l’employeur et pour convenance personnelle, alors même que l’employeur l’avait déjà sanctionné à deux reprises pour absences injustifiées, constitue une faute grave (Cass. soc. 27 sept. 2011 n° 10-20.915)

De la même manière, le fait pour un salarié de prolonger une absence autorisée sans en demander l’autorisation à l’employeur peut être constitutif d’une faute grave, notamment dans le cas où le salarié a été mis en demeure de reprendre son poste de travail (Cass. soc. 1er mars 1994 n° 92-45.265 ; Cass. soc. 7 févr. 1995 n° 93-44.164 ; Cass. soc. 25 mars 1998 n° 95-45.503 ; Cass. soc. 9 juill. 2002 n° 00-40.236).

Il a encore été jugé que constituait une faute grave justifiant le licenciement, le fait pour un salarié, à la suite de son opposition manifestée lors d'une réunion de service sur les heures supplémentaires, de quitter son poste de travail avant l'horaire prévu, de ne pas se présenter le lendemain matin à son travail et d’organiser son départ anticipé du site sur lequel il était en mission depuis plusieurs mois (Cass. soc., 15 mai 2013, n° 11-28.749 ).

En revanche, ne constitue pas une faute grave la seule absence de justification par le salarié de la prolongation de son arrêt de travail pour maladie, dès lors que l’employeur a été informé par la remise du certificat initial d’arrêt de travail (Cass. Soc. 11 janv. 2006 n° 04-41.231).

De la même manière, le salarié qui ne fournit par la justification de son deuxième arrêt de travail dans les 48 heures, et ce, même si l’employeur lui en a fait la demande, ne constitue pas une faute grave (Cass. Soc. 20 juin 2012 n° 11-17.992).

En réalité, la faute grave est souvent retenue lorsque la durée de l’absence est longue où lorsque le salarié choisit un moment particulièrement préjudiciable à l’entreprise pour s’absenter.

 

Les retards répétés

Lorsqu’un salarié multiplie les retards ou les absences injustifiées, il s’expose dans ce cas également à un licenciement pour faute grave (Cass. soc. 20 nov. 1980, n° 79-40.927 ; Cass. soc.,12 févr. 1981 n° 79-41.136 ; Cass. soc. 10 mars 1982 n° 80-40.239 ; Cass. soc. 29 avr. 2003 n° 01-42.376 ; Cass. soc., 10 oct. 2012 n° 11-19.214).

Les retards répétés qui entrainent de graves perturbations dans le travail constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc. 30 mars 1982 n° 80-40.553).

Il peut s’agir d’une faute grave si le salarié a réitéré son comportement, alors qu’il avait déjà été sanctionné plusieurs fois pour les mêmes faits (Cass. Soc. 15 juin 1983 n° 86-41.923).
A cet égard la Cour de Cassation juge de manière constante (Cass. Soc. 15 janv. 2014 n° 12-24.221) :

« Après avoir relevé que le salarié avait déjà reçu un avertissement, peu important que celui-ci ait sanctionné des faits de nature différente, la cour d'appel, qui a constaté l'importance de ses retards, réitérés sur une courte période, alors que ce salarié était chargé d'un travail posté et que son absence avait désorganisé son équipe, et a, par motifs adoptés, fait ressortir le caractère volontaire des retards du salarié qui s'était abstenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher leur réitération, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».

Les retards/absences sont d’autant plus préjudiciables à l’entreprise lorsque le salarié travaille selon une organisation particulière (équipes de suppléance, travail posté…).

III. Limite : le non-cumul des sanctions disciplinaires
L’article L. 1332-4 du Code du travail prévoit que lorsque l’employeur a connaissance d’un fait fautif commis par le salarié, il dispose d’un délai de deux mois pour le sanctionner, c’est à dire pour lui notifier un avertissement ou le convoquer à un entretien préalable lorsqu’il envisage une sanction plus importante.

A l’expiration de ce délai, la faute est prescrite et ne pourra plus justifier une sanction disciplinaire.

L’employeur ne saurait sanctionner deux fois le même fait.

Ainsi, à titre d’exemple, et pour s’inscrire dans le thème abordé, lorsque l’employeur notifie à un salarié un avertissement pour des retards, il ne pourra ensuite le licencier pour les mêmes faits.

Attention ! Cela ne signifie pas que le licenciement qui interviendra pour sanctionner des retards répétés ne pourra pas faire mention des avertissements notifiés au salarié. Il faudra cependant que l’employeur s’appuie sur des faits nouveaux.

En effet, le caractère répété des faits fautifs autorise l’employeur à prendre une mesure aggravée.

En conclusion, il est possible de rappeler des faits déjà sanctionnés dans une lettre de licenciement, à condition que le licenciement soit également fondé sur des faits nouveaux, non encore sanctionnés.

 

Clélia PIATON, avocat en droit du travail au barreau de Chambéry


Validité d'une clause de mobilité géographique

Une clause de mobilité est une clause par laquelle l'employeur se réserve la possibilité de modifier le lieu habituel de travail du salarié.

Nombreux sont désormais les contrats de travail comportant une clause de mobilité géographique.

Cependant, la Cour de Cassation se montre relativement exigente quant aux conditions de validité de ces clauses (1°/), sans compter que les conséquences sont loin d'être neutres, tant pour l'employeur, que pour le salarié (2°/).

1°/ Les conditions de validité d'une clause de mobilité géographique

- nécessité d'un écrit

Pour être valable, la clause de mobilité doit être écrite. Elle est généralement intégrée au contrat de travail.

Toutefois, l'employeur a la possibilité de l'intégrer par la suite, par un avenant au contrat de travail, mais à la condition d'avoir obtenu l'accord du salarié puisque cette adjonction constitue une modification du contrat de travail que celui-ci est en droit de refuser (Cass. soc. 2 juin 1992, n° 89-41.696 ; Cass. soc. 24 nov. 1999, n° 97-45.202).

La question se pose régulièrement de savoir si, dans le cas où aucune clause de mobilité n'a été insérée au contrat de travail du salarié, l'employeur peut se prévaloir de l'existence d'une mobiliré prévue par la convention collective.

La Cour de Cassation répond par l'affirmative mais précise que c'est à la condition que la mobilité la convention collective se suffise à elle-même et que le salarié ait été informé de cette convention au moment de son engagement et mis en demeure d'en prendre connaissance (Cass. soc. 30 nov. 2005 n° 03-46.530).

- précision de la zone géographique de mobilité

Cet élément est très important dans la mesure où la Cour de Cassation considère que le salarié qui signe une telle clause, doit savoir précisément à quoi il s'engage.

En effet, la clause de mobilité ne peut pas se contenter d’indiquer que le salarié pourra être muté dans n’importe quel établissement de l’entreprise, le salarié devant, dès la signature de la clause, être en mesure d’identifier les établissements où il peut être muté.
A ainsi été déclarée inopposable au salarié, la clause prévoyant qu’il pourrait être affecté dans un des magasins de la région ou « de notre société » (Cass. Soc. 18 mai 2005 n° 03-41.819).
La même décision a été rendue pour la clause indiquant que la salariée pourra être mutée en tant que responsable dans une des associations en fonctions des nécessités de l’Union qui l’employait (Cass. Soc. 14 oct. 2008 n° 06-46.400)

Le libellé de la clause est donc essentiel,
L'employeur qui souhaite avoir le plus de flexibilité possible peut indiquer les départements dans lesquels le salarié est susceptible d’être muté ce qui lui permettra, notamment, d’affecter le salarié dans l’un de ces départements, et ce, même en cas de création ultérieure d’un nouvel établissement (Cass. Soc. 12 janv. 2005 n° 02-45.449 ; Cass. Soc. 20 fév. 2013 n° 11-21.649).

En effet, à l’inverse, si la clause prévoit une possibilité de mutation dans l’un ou l’autre des établissements de l’entreprise, sans qu’aucune zone géographique précise ne soit valablement indiquée, le salarié peut refuser une affectation dans un établissement créé après la signature de la clause (Cass. Soc. 19 avr. 2000 n° 98.41.078 ; Cass. Soc. 12 mai 2004 n° 02-42.018) ou, le cas échéant, dans un établissement qui n’est pas visé par ladite clause (Cass. Soc. 7 juill. 2004 n° 02-40.758).
Ce que la jurisprudence vérifie en définitive, c'est que la clause de mobilité définisse de façon précise sa zone géographique et surtout, qu'elle ne confère pas à l'employeur le pouvoir d'en "étendre unilatéralement la portée" (Cass. soc., 14 oct. 2008, n° 06-46.400).

Ainsi, pour autant que ces critères sont respectés, une clause de mobilité peut parfaitement avoir pour zone géographique le territoire français, comme l'a très récemment jugé la Cour de Cassation (Cass. soc. 9 juill. 2014 n° 13-11.906).

Un arrêt du 29 octobre dernier a validé cette décision (Cass. soc.  29 oct. 2014 n° 13-11.010). Un salarié avait été muté de Vaux-en-Velin à Strasbourg. La Cour de Cassation a considéré que la clause de mobilité dont le périmètre était la France métropolitaine était valable.

2°/ Les conséquences d'une clause de mobilité nulle

Les conséquences d'une nullité de la clause de mobilité ne sont pas sans conséquences, tant pour le salarié que pour l'employeur.

En effet, le salarié dont la clause de mobilité est nulle peut refuser une mutation sans que ce refus ne puisse justifier un licenciement puisque cette mutation constituerait  une modification de son contrat de travail.

Si l'employeur prend acte du refus du salarié d'accepter une mutation imposée en application d'une clause de mobilité nulle pour le licencier, il s'expose à ce que ce licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse par le Conseil de prud'hommes.

Ainsi, en tout état de cause, la validité de la clause de mobilité est discutée devant le Conseil de prud'hommes et ce, souvent lors de la contestation du licenciement concomitant au refus d'une mutation.

Clélia PIATON, avocat en droit du travail au barreau de Chambéry