Coronavirus : point sur le droit de retrait des salariés

 

Le droit de retrait est le droit qu’a tout salarié de se retirer d’une situation de travail s’il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

La légitimité de l’exercice de ce droit de retrait dépend de chaque situation en fonction du risque de contamination et de la situation personnelle du salarié. A titre d’exemple, le droit de retrait du salarié souffrant d’une pathologie chronique sera apprécié de manière beaucoup plus souple qu’un salarié en bonne santé.

De la même manière, l’appréciation du droit de retrait varie en fonction du degré d’exposition du salarié au risque de contracter le virus. Autrement dit, le salarié en contact avec du public (malades, clients …) présentera un risque supérieur et sera donc plus légitime à faire valoir son droit de retrait.

Il n’y a aucune formalité à remplir pour exercer son droit de retrait et un salarié peut informer son employeur verbalement.

Toutefois, dans un souci de preuve, il est important, en pratique de confirmer le droit de retrait par écrit en détaillant le motif raisonnable justifiant l’exercice de ce droit, en précisant par exemple les mesures de protection insuffisantes prises par l’employeur pour garantir sa sécurité.

Plusieurs questions se posent.

- Quelles sont les mesures que l’employeur doit mettre en place avec les salariés qui ne peuvent bénéficier du télétravail ?

L’employeur a une obligation de sécurité à l’égard de ses salariés, édictée par l’article L. 4121-1 du Code du travail qui prévoit qu'il doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique des travailleurs, parmi lesquelles des actions de prévention des risques, d'information et de formation des salariés et de mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

En cas de risque avéré, l'employeur engage sa responsabilité, sauf s'il démontre avoir pris les mesures de prévention nécessaires et suffisantes pour éviter la contamination de son personnel.

Le gouvernement a attiré l’attention des employeurs sur la nécessité de procéder à l’évaluation des risques en tenant compte des modalités de contamination et particulièrement de la notion de « contact étroit ».

L’employeur doit actualiser le document unique d’évaluation des risques en y associant le CSE et le service de santé au travail.

Pour les salariés qui poursuivent leur activité professionnelle l’employeur doit mettre en place des mesures de prévention adaptées aux risques identifiés et informer les salariés de cette mise en place.

Dans le cas où l’employeur a respecté strictement ces obligations et les consignes gouvernementale, le droit de retrait du salarié ne sera pas justifié.

Au titre des mesures de prévention on peut citer notamment, en fonction des situations :

- la mise à disposition des salariés de matériels de protection individuelle tels que masques et solutions hydroalcooliques ;

- l’application des distances de sécurité avec les autres salariés et les autres personnes ;

- limiter les contacts qui ne sont pas strictement nécessaires à l’exercice de la prestation de travail.

L’employeur peut -il prendre des sanctions à l’encontre du salarié qui exerce son droit de retrait ?

Aucune sanction ni retenue de salaire ne peuvent être prises à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux (article L. 4131-3 du Code du travail), et ce, quelle que soit la durée du retrait (Cass. crim. 25-11-2008 n° 07-87.650).

C’est le cas même si le salarié a commis une erreur d’appréciation sur ce droit de retrait, à la condition que ce dernier ait eu un motif raisonnable de penser qu’il y avait danger grave et imminent.

Ce n'est qu'en l'absence de motif raisonnable que l'employeur pourra opérer une retenue sur salaire ou sanctionner le salarié, y compris par un licenciement.

En cas de désaccord ce sont les juges qui apprécieront le bienfondé du droit de retrait et les conséquences des sanctions prises.

Le licenciement qui interviendrait pour un droit de retrait légitime serait déclaré nul.

Maître Clélia PIATON avocat en droit du travail au barreau de Chambéry.


Licenciement pour inaptitude : quand l’employeur doit il appliquer la procédure pour inaptitude d’origine professionnelle ?

Cette question est très régulièrement posée que ce soit par des clients salariés qui estiment que leur employeur ne leur a pas appliqué, à tort, la procédure de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle ou par des clients employeurs qui ne savent pas quels sont les éléments qui justifient de devoir mettre en place cette procédure.

De manière synthétique, les règles protectrices des victimes d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle lors du licenciement (Cass. Soc. 4 fév. 1993 n° 89-41.438 ; Cass. Soc. 9 mai 1995, n° 91-44.918, Cass. Soc. 26 janv. 2000 n° 97-45.892 ; Cass. Soc. 30 juin 2004 n° 02-41.520 ; Cass. Soc. 22 fév. 2006, n° 04-44.957 ; Cass. Soc. 23 sept. 2009 n° 08-41.685 ; 15 fév. 2011 n° 09-67.491).

En définitive, pour la Cour de Cassation, ce qui importe est la connaissance de l’employeur de la potentielle origine professionnelle.

En effet, la Cour de Cassation considère de manière constante que le fait que l’employeur ait engagé la procédure de licenciement en convoquant le salarié à un entretien préalable avant d’avoir connaissance de la prise en charge de la maladie du salarié au titre des maladies professionnelles ne le dispense pas d’appliquer les règles du licenciement pour inaptitude résultant d’une maladie professionnelle dès lors qu’il en a connaissance au moment du licenciement (Cass. Soc. 28. Fév. 2015, n° 13-19.973).

De la même manière, la Cour de Cassation a jugé que justifie sa décision de condamner l’employeur pour non-respect de la protection prévue par le Code du travail, la Cour d’appel ayant estimé, par une appréciation souveraine des preuves, que celui-ci avait été informé du caractère professionnel de l’accident survenu au salarié avant la notification du licenciement (Cass. Soc. 18 oct. 1989 n° 85-41.935 ; Cass. Soc. 19 mars 2008, n° 06-45.994 ; Cass. Soc. 21 nov. 2007 n° 06-44.627).

La Cour de Cassation a également pu juger que « justifie sa décision de conclure à l'existence d'un lien entre l'accident du travail et l'inaptitude du salarié ainsi qu'à la connaissance de ce lien par l'employeur la cour d'appel ayant constaté que la caisse primaire d'assurance maladie avait adressé à l'employeur une lettre pour l'informer de la déclaration de l'accident du travail dont avait été victime l'intéressé et que l'employeur n'avait pas été informé de cet accident postérieurement à la notification du licenciement (Cass. soc. 19 mars 2008 n° 06-45.994).

En définitive, si l’employeur se voit adresser un certificat médical pour accident du travail ou maladie professionnelle, il doit appliquer la procédure de licenciement pour origine professionnelle et ce, même si la CPAM n’a pas statué sur la prise en charge au titre des accidents ou maladies d’origine professionnelle.

Cela signifie en pratique qu’il devra verser au salarié son préavis ainsi que l’indemnité spéciale de licenciement correspondant au doublement de l’indemnité légale ou conventionnelle.

Il devra en outre comptabiliser la durée de l’arrêt de travail au titre de l’ancienneté du salarié, notamment pour le calcul des congés payés et de l’indemnité de licenciement.

Maître Clélia PIATON, Avocat en droit du travail à Chambéry


Licenciement et absence injustifiée de 6 semaines

La Cour de Cassation juge que ne constitue pas une faute grave mais une cause réelle et sérieuse de licenciement l'absence injustifiée de 6 semaines du salarié après une visite médicale à l'issue de laquelle il a été déclaré apte à son poste par le médecin du travail, dès lors que cette absence de l'intéressé, qui rencontrait de nombreuses difficultés personnelles et de santé et avait plus de 20 ans d'ancienneté, n'avait pas perturbé le service (Cass. soc. 26-9-2018 n° 17-17.563 F-D).

 

Maître Clélia PIATON, Avocat en droit du travail au barreau de Chambéry


Les élections professionnelles : nouvelles dispositions

Les élections des représentants du personnel

 

Depuis l'Ordonnance du du 22 septembre 2017 (n° 2017-1386), les entreprises embauchant plus de 11 salariés pendant 12 mois consécutifs doivent mettre en place une nouvelle instance représentative du personnel : le comité social et économique (CSE) qui remplace les délégués du personnel, le Comité d'entreprise et le CHSCT.

Ce CSE doit être mis en place lors du renouvellement de l'une des institutions mais, dans certaines situations, elles ont la possibilité d’anticiper ou de reporter les élections.

En toute hypothèse, la nouvelle instance doit être mise en place au plus tard le 31 décembre 2019.

Préparation et déroulement des élections

L’employeur doit, tous les quatre ans ou à l’échéance des mandats si une durée inférieure a été fixée par accord, inviter à négocier un protocole d’accord préélectoral les syndicats :

  • reconnus représentatifs dans l’entreprise ou l’établissement, ceux ayant constitué une section syndicale ainsi que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ;
  • qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constitués depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise ou l’établissement concerné.

Le protocole d'accord préélectoral est destiné notamment à répartir le personnel dans les collèges électoraux, ainsi que les sièges entre les différentes catégories de salariés, et à définir les modalités d’organisation et de déroulement des élections.

Au premier tour, tout syndicat invité à négocier le protocole d’accord préélectoral peut présenter des candidats et les candidatures sont libres au second tour. Les représentants du personnel sont élus au scrutin de liste à deux tours avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.

Contestation des élections

Le contentieux relatif aux élections professionnelles relève du tribunal d’instance. Certaines irrégularités dans l’organisation et le déroulement du scrutin constituent une cause d’annulation des élections. Tel est notamment le cas si l’irrégularité a exercé une influence sur le résultat.

Maître Clélia PIATON, avocat en droit du travail à Chambery

 


Bilan des ordonnances Macron un an après leur promulgation

Près de 9 000 Comités sociaux économiques

2 conseils d’entreprise

364 accords validés par référendum dans les TPE

15 % de recours en moins devant les conseils de prud’hommes

66 entreprises engagées dans une rupture conventionnelle collective et une seule branche qui se saisit des nouveaux dispositifs.

 

Maître Clélia PIATON, avocat en droit du travail à Chambery


Insulter son employeur sur Facebook dans un groupe fermé ne justifie pas un licenciement pour faute grave

Dans un arrêt du 12 septembre 2018 (Cass. soc., 12 septembre 2018, nº 16-11.690), la chambre sociale de la Cour de cassation juge injustifié le licenciement pour faute grave d’une salariée ayant dénigré son employeur sur son compte Facebook.

Elle considère que  les propos litigieux ayant été tenus dans un groupe fermé, accessible uniquement à des personnes agréées et en nombre restreint (14 en l’occurrence), relèvent d’une conversation de nature privée.

 

Maître Clélia PIATON, avocat en droit du travail à Chambéry


Droit du travail : Le plafonnement des indemnités prud'homales

Par Ordonnance du 22 septembre 2017 (Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail), Emmanuel Macron a entériné une mesure qui était annoncée depuis plusieurs années : le plafonnement des indemnités sollicités par les salariés en réparation du préjudice subi du fait de leur licenciement.

Ces indemnités varient en fonction de l'ancienneté du salarié mais également en fonction du nombre de salariés employés dans la société (plus ou moins de 10 salariés).

Les plafonds adoptés sont les suivants (article L. 1235-3 du Code du travail) :

Salarié embauché dans une entreprise comptant plus de 11 salariés :

 

Ancienneté du salarié dans l'entreprise
(en années complètes)
Indemnité minimale
(en mois de salaire brut)
Indemnité maximale
(en mois de salaire brut)
0 Sans objet 1
1 1 2
2 3 3,5
3 3 4
4 3 5
5 3 6
6 3 7
7 3 8
8 3 8
9 3 9
10 3 10
11 3 10,5
12 3 11
13 3 11,5
14 3 12
15 3 13
16 3 13,5
17 3 14
18 3 14,5
19 3 15
20 3 15,5
21 3 16
22 3 16,5
23 3 17
24 3 17,5
25 3 18
26 3 18,5
27 3 19
28 3 19,5
29 3 20
30 et au-delà 3 20

 

 

 

Salarié embauché dans une entreprise de moins de 11 salariés :

 

Ancienneté du salarié dans l'entreprise
(en années complètes)
Indemnité minimale
(en mois de salaire brut)
0 Sans objet
1 0,5
2 0,5
3 1
4 1
5 1,5
6 1,5
7 2
8 2
9 2,5
10 2,5

 

 

Il est important de noter que ces dispositions ne s'appliquent qu'aux licenciements prononcés après l'entrée en vigueur de l'Ordonnance, soit après le 22 septembre 2017, ainsi que le précise l'article 40 de la présente ordonnance.

 

En contrepartie, par Décret du 25 septembre 2017, le gouvernement a augmenté l'indemnité de licenciement qui passe, pour les salariés de moins de 10 ans d'ancienneté, à 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté, là où auparavant ils percevaient 1/5 de mois de salaire par année d'ancienneté (article L. 1234-9 du Code du travail).

Maître Clélia PIATON, Avocat en droit du travail au Barreau de Chambéry

 


Requalification d’une démission en prise d’acte de la rupture du contrat de travail

La Cour de Cassation assimile souvent la démission motivée à une prise d’acte, c’est-à-dire la démission assortie de griefs à l’encontre de l’employeur.

S’agissant de la démission émise sans réserves, elle peut également être assimilée à une prise d’acte lorsqu’elle est remise en cause ultérieurement par le salarié qui fait état de manquements imputables à son employeur.

Le juge doit alors apprécier si les manquements invoqués sont suffisamment graves pour constituer une prise d’acte, mais surtout, s’ils étaient antérieurs ou contemporains à la démission.

Ainsi, pour que le salarié obtienne la requalification de sa démission en prise d’acte, il faut qu’il démontre le lien de causalité entre les manquements reprochés à l’employeur et sa démission. Il faut donc que ces manquements aient donné lieu à une réclamation directe ou indirecte pour que l’employeur ait pu être en mesure de régulariser la situation.

Dans plusieurs arrêts du 9 mai 2007, la Cour de Cassation a jugé que la démission devait être requalifiée en prise d’acte lorsqu’elle a été précédée ou accompagnée :

- d’une lettre de protestation du salarié contre la suppression d’une partie de ses commissions ;

- d’un décompte établi par le salarié dans la lettre de démission des sommes qu’il considère lui être dues au titre d’heures supplémentaires et de repos compensateur ;

- d’une action en résiliation judiciaire préalablement engagée par le salarié

- d’un signalement à l’inspecteur du travail qui avait adressé à l’employeur une lettre lui demandant de rétablir le salarié dans ses droits en matière de salaire, congés payés et repos compensateurs.

En second lieu, lorsque le juge a vérifié que ces éléments étaient remplis, il doit examiner les griefs afin de déterminer s’ils caractérisent des manquements suffisamment graves pour entraîner la requalification en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Maître Clélia PIATON, Avocat en Droit du travail au barreau de CHAMBERY


Le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail pour contester une sanction disciplinaire

Dans un arrêt du 2 mars 2017 (Cass. soc. 2 mars 2017 n° 15-26.945 F-D), la Cour de Cassation a cassé un arrêt de de Cour d'appel qui avait annulé une mise à pied disciplinaire de 30 jours mais avait requalifié la prise d'acte du salarié qui s'en était suivie en démission.

La Cour de Cassation considère que le salarié peut contester une sanction disciplinaire abusive en prenant acte de la rupture de son contrat de travail. Dans ce cas, le juge doit vérifier si cette sanction injustifiée était de nature ou non à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Dans l'affirmative, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, dans la négative, d'une démission.

 

Me Clélia PIATON, Avocat en droit du travail au Barreau de Chambéry


Un nouvel exemple de requalification d'un statut d'auto-entrepreneur en contrat de travail

Depuis 2015, une vague de requalification des auto-entrepreneurs en salariés à l'initiative, soit des organismes sociaux, soit des salariés eux -mêmes s'est répandue.

La Cour de Cassation vient de rendre un nouvel arrêt, considérant que si une entreprise recourt au service d’auto-entrepreneurs pour l’exercice de son activité et que ceux-ci se trouvent en réalité placés dans un lien de subordination juridique permanent à l’égard de celle-ci, ils doivent être considérés comme des salariés et l’entreprise sera condamnée pour travail dissimulé (Cass. Crim, 10 janv. 2017, F-D, n° 15-86.580).

Clélia PIATON, Avocat en droit du travail au Barreau de Chambéry